Entreprises sociales, quelles questions poser avant d’essaimer vers un nouveau territoire ?

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Il n’y a pas de recette magique de l’implantation, mais mille expériences singulières et quelques grands apprentissages. Nous vous partageons quelques-uns des enjeux qui nous semblent importants, pour aborder sereinement ce beau projet !

Depuis 2016, Ronalpia a accueilli et accompagné une quarantaine d’entreprises sociales dans leur implantation à Lyon et dans la région. Nous avons cheminé avec elles pendant plusieurs mois, depuis leurs premiers pas sur le territoire, et les accompagnons pour faciliter et solidifier leur ancrage local.

Et vous, entreprises sociales, vous vous apprêtez aussi à essaimer vers un nouveau territoire ?

Il n’y a pas de recette magique, mais mille expériences singulières et quelques grands apprentissages. Alors Ronalpia vous invite à y réfléchir ensemble, pour vous préparer. Nous vous partageons quelques-uns des enjeux qui nous semblent déterminants pour aborder sereinement ce beau projet !

Pour maximiser son impact social et changer d’échelle, l’entreprise sociale choisit parfois la voie de l’essaimage territorial. Un beau défi et une découverte toujours renouvelée : celle d’un territoire ! Chaque nouveau territoire appelle l’entreprise sociale à adapter son modèle, de façon plus ou moins significative. Sur chaque nouveau territoire, cette entreprise sociale s’exprimera et s’implantera de façon singulière, en fonction des besoins et des enjeux locaux.

L’entreprise sociale qui essaime a donc besoin de se préparer. En particulier, elle a besoin de comprendre et apprivoiser ce nouveau territoire, afin d’y apporter une solution adéquate et solide… tout en restant fidèle à son ADN et ses fondamentaux, qui lui ont permis de réussir ailleurs. Le territoire aussi, avec son tissu d’acteurs et son fonctionnement, a besoin de se préparer à l’accueillir.

Des accompagnateurs, des financeurs, des collectivités et d’autres acteurs s’efforcent de faciliter l’essaimage des innovations sociales et accompagnent les entreprises sociales dans cette démarche, à échelle nationale et en régions. Ronalpia en fait partie.

Depuis 2014, Ronalpia accompagne des entreprises sociales en Auvergne-Rhône-Alpes. En tant qu’incubateur, d’abord, nous les avons accompagnées dans leur lancement. Puis nous avons décidé de les accompagner aussi dans leur croissance et leur changement d’échelle. Une expérience que nous avons aussi vécue : Ronalpia a essaimé et est aujourd’hui implanté dans 8 territoires de la région !

Ronalpia a donc fait le choix, en 2016, d’accueillir et accompagner localement les entreprises sociales qui s’implantent en région lyonnaise, en partenariat avec la Métropole de Lyon et l’Agence de Développement Économique de la Région Lyonnaise. L’accompagnement proposé dans le cadre du programme Implantation a vocation à faciliter les premiers pas de l’entreprise sociale sur le territoire, puis son adaptation et son ancrage territorial à long terme. Désormais, le programme implantation concerne d’autres territoires : le Rhône, la Drôme, l’Isère, la Loire.

Ronalpia a ainsi accueilli en Auvergne Rhône-Alpes une quarantaine d’entreprises sociales (dont Article 1Rev’EllesWake Up CaféJobIRLEntourageReconnectComme les Autres…!) puis cheminé avec elles pendant plusieurs mois, dans leur expérience de l’essaimage.

A votre tour, vous vous apprêtez à essaimer ? Ronalpia vous invite à y réfléchir et vous partage quelques-uns des enjeux qui semblent clés, pour une implantation locale réussie, créatrice d’impact et pérenne.

Amélie et Mathilde, responsables du développement de Wake up Café à Lyon

Pour commencer : vous assurer qu’il y a un besoin sur le territoire…

Quelles que soient les raisons et les opportunités qui vous invitent à essaimer, prenez le temps de valider le fait que le territoire en question a besoin de vous, et surtout de préciser ce besoin. A cette question qui semble triviale, la réponse n’est ni évidente ni immédiate.

D’abord, quel est le besoin social local ? Est-il différent de celui qui a été diagnostiqué dans les autres territoires, par son ampleur, sa nature, ses sources ou ses manifestations ? Comment approfondir et affiner ce diagnostic, accéder à une information fiable et vivante pour qualifier et quantifier ce besoin ?

Ensuite, quels sont les acteurs en présence qui apportent déjà des éléments de réponse à ces besoins ? Que proposent-ils, comment et jusqu’où ? Comment sont-ils reliés entre eux ?

In fine, quels besoins restent peu ou mal couverts sur ce territoire ? Comment identifier plus clairement ce que votre structure pourrait y apporter : la connaissance d’un public cible, la qualité d’une méthode, la maîtrise d’un savoir-faire ? Est-ce l’ensemble des activités qu’il faut essaimer ou bien seulement une partie ? Quelle serait votre juste place au sein de cet écosystème ?

Il vous faudra renouveler ce questionnement, sur chaque territoire. Votre diagnostic territorial vous apportera, petit à petit, les réponses à ces questions : consacrez-y le temps qu’il mérite.

Dimensionner le projet de façon réaliste, lui faire de la place et assumer d’investir.

Quelle place et quelle importance avez-vous prévu d’accorder à ce projet d’essaimage, parmi tous vos projets de développement ? Est-une décision claire, prise et partagée avec votre équipe ?

Le lancement sur un nouveau territoire suppose la mobilisation et la réorganisation de l’ensemble de la structure, au siège et dans les autres antennes si elles existent. Vous embarquez pour une belle aventure partagée, avec son lot d’investissement et de prise de risques. Les lignes vont bouger, l’organisation va évoluer, les rôles et places de chacun aussi. Il ne s’agit pas d’une simple prolongation de l’existant, ailleurs, indépendante et circonscrite (« si ça marche, tant mieux ! »), mais d’une transformation globale. Et ce, d’autant plus s’il s’agit du premier essaimage !

Aussi, il est bon de se mettre en conditions sans tarder : évaluer les ressources nécessaires et votre capacité à les mobiliser. Que va vous coûter le lancement puis le fonctionnement de l’antenne, à court terme puis en rythme de croisière ? Comment mobiliser ces financements, à quelle échéance et avec quel niveau de risque ? Qui seront, au siège, les personnes ressources pour soutenir cet essaimage, et quelle réorganisation opérer afin qu’ils puissent y consacrer effectivement le temps nécessaire ?

Des financements nationaux ou un soutien du siège permettent d’amorcer les premières actions ? A l’inverse, vous n’avez pas encore de financements dédiés et vous partez mobiliser les premiers financements locaux ? Quelle solidarité entre le siège et l’antenne ? Quelle part de financements locaux et nationaux, et à quelle échéance ?

Quelle que soit la façon dont vous financez l’amorçage, il n’est jamais trop tôt pour penser le modèle économique cible, à long terme, et vous mettre en ordre de marche pour y arriver. Ce chantier fondamental vous permettra d’ancrer sereinement et solidement votre présence locale : regardez loin devant, même si vous commencez petit !

Identifier le développeur local dont vous avez besoin !

Géraldine, déléguée régionale de JobIRL en Auvergne-Rhône-Alpes

Comment trouver votre pépite et choisir votre développeur local ? Quelle que soit la stratégie d’essaimage retenue et l’organisation associée, vous accorderez votre confiance à une personne ou à une structure, qui sera votre premier visage local. Pour bien le choisir, il vous faut savoir ce que vous attendez de lui aujourd’hui… et ce que vous attendrez de lui demain !

Quel seront son rôle et ses missions sur ce territoire ? Avec quel périmètre d’autonomie et de responsabilité ? Quelle est la priorité, pour ces premiers mois : un développeur, un réseauteur, un technicien, un gestionnaire… tout à la fois ? A moyen et long terme, quelle sera l’évolution possible de son poste ?

Une fois que vous aurez répondu à ces questions, vous pourrez préciser les compétences et talents attendus, dessiner le profil idéal, savoir où et comment le chercher, vous lancer dans la quête. Et s’il s’agit encore de lui, le mouton à cinq pattes tant recherché… peut-être faut-il revoir les objectifs de façon plus réaliste, ou bien vous armer de patience pour le trouver !

N’allons pas trop vite en besogne, donc, pour être cohérent et efficace : clarifiez le besoin avant de partir à la recherche de celui que vous pensez être le développeur idéal.

C’est le territoire qui vous fera de la place : écouter ce qu’il a à vous dire.

Ce territoire a son histoire, sa culture, sa couleur, son organisation, son fonctionnement et ses codes. Tout n’est pas lisible immédiatement, tout n’est pas facile à appréhender, tout n’est pas écrit.

Avez-vous identifié les acteurs locaux qui travaillent sur le sujet ? Etes-vous allé à leur rencontre et comment avez-vous établi le contact ? Avez-vous pris le temps de comprendre leur manière de faire, individuellement et en tant qu’écosystème ?

Historiquement ancrés ou plus récemment établis, ces acteurs locaux font probablement un travail de qualité, déjà, pour répondre à tout ou partie du besoin social que vous avez également identifié. Aussi, vos premiers pas sur ce territoire sont clés : curiosité, écoute et humilité sont de mise.

Cette phase d’exploration et de rencontres, qui peut sembler foisonnante, peut-être désordonnée, mérite donc qu’on lui consacre de l’énergie. Patience ! Elle vous permettra d’identifier la place et le rôle qui pourraient être les vôtres au sein de cet écosystème local, pour générer un maximum d’impact social, en cohérence et en coopération. Observation et adaptation, dans la perspective de composer avec l’existant !

Écrire votre stratégie d’essaimage… et rester souple pour l’adapter au territoire

Vous avez probablement déjà identifié et retenu la stratégie d’essaimage la plus pertinente pour votre entreprise sociale. Vous avez peut-être déjà essaimé en plusieurs endroits, avec succès, et selon une stratégie bien précise. Tant mieux ! Écrire et partager une première version de la stratégie d’essaimage avant de se frotter au terrain est un préalable nécessaire… mais pas suffisant.

Chaque nouveau territoire vous donnera maintes occasions d’éprouver cette stratégie initialement écrite et testée, de la déconstruire, la reconstruire, la faire vivre ! Beaucoup d’écoute, donc, et un brin de souplesse, afin d’adapter le modèle ainsi que la stratégie d’essaimage.

Encore une fois, il y a mille expériences différentes d’essaimage, quelques modélisations qui vous aideront à mettre des mots sur ce que vous expérimentez, mais aucune recette magique ! D’abord, n’hésitez pas à vous plonger (et vous replonger) dans quelques modèles théoriques : Scale Changer, l’AviseAntropia ESSEC et d’autres experts vous proposeront des outils et des bases théoriques précieuses. Ensuite, rien de tel que de regarder autour de vous : penchez-vous sur les expériences d’autres entreprises sociales, qui ont réussi… ou moins bien réussi. Osez décrocher votre téléphone (« Raconte-moi ton essaimage ! »), d’autres oseront vous partager leurs ratés, leurs succès et leurs apprentissages !

Prendre soin de votre développeur local : un pionnier sur son territoire et un couteau suisse pour votre structure !

Pierre-Emmanuel Baruch, directeur, et Carine Bonnal responsable de la communication du Dahlir, accompagnés en Implantation, en 2019

Alors qu’il est parfois loin et isolé, on attend souvent de lui qu’il soit un couteau suisse et sache tout faire (ou presque). Amorcer le lancement opérationnel, incarner et faire connaître localement la structure, prospecter et établir les partenariats locaux, lever des financements, recruter et manager… et tout à la fois : la barre est haute !

Sur son territoire, qu’il connaîtra vite et probablement mieux que quiconque dans l’équipe, il va vivre beaucoup de défis qui font de lui un entrepreneur : volume de travail important, polyvalence, montagnes russes des premiers succès et échecs sur ce nouveau terrain de jeu.

Localement, il sera le premier visage de l’entreprise sociale. Il devra être un ambassadeur confiant, équipé et autonome. Est-il à l’aise avec l’identité, la culture et les valeurs de l’entreprise sociale ? Ces fondamentaux lui seront indispensables… et il est pourtant difficile de les appréhender à distance. L’immersion au siège ou dans les autres antennes, sur le terrain, et l’intégration au sein de l’équipe, seront donc des étapes cruciales.

Pour développer son antenne en cohérence avec la stratégie nationale, le développeur local aura besoin de savoir où va la structure, à échelle nationale : quel est le cap, et comment évolue-t-il ? Il aura besoin de visibilité sur le projet commun à long terme, tout autant que d’un accès quotidien à l’information… nécessaire et suffisante pour lui permettre de mener à bien sa mission.

Enfin et surtout, il aura besoin d’un cadre clairement établi, pour pouvoir jouer autour. Quel est son périmètre de responsabilité et de décision, au sein de l’équipe ? Quel est son niveau d’autonomie et sa marge de manœuvre, par rapport au modèle originel ?

En somme, donnez-vous un cap commun et des règles du jeu claires, investissez sur quelques outils et ménagez beaucoup de communication !

Capitaliser sur cette expérience pour nourrir les prochaines !

Sur ce nouveau territoire où vous vous implantez, le développeur local puis son équipe vont innover, adapter le modèle, engranger beaucoup d’expérience. Ils vont tester des choses, qui seront au moins aussi pertinentes et riches que ce qui a été fait ailleurs et jusque-là. Ces apprentissages méritent d’être écoutés et partagés : ils pourront faire bouger toute l’entreprise sociale !

A vous de créer le cadre et ménager les temps pour entendre ce que l’équipe locale a à vous dire : sa vision des choses, ses retours d’expériences, ses propositions. A vous de jouer : anticipez et investissez du temps pour ce dialogue et pour la capitalisation, un exercice qui a parfois tendance à être repoussé ou sous-estimé.

Les apprentissages des uns, sur ce territoire, serviront les défrichages des autres, sur de prochains territoires !

Vous l’aurez compris, essaimer est une nouvelle aventure pour votre entreprise sociale, qui ne va pas uniquement faire évoluer la carte de vos implantations sur votre site internet : c’est un vrai bouleversement. Un défi collectif et passionnant ! Chez Ronalpia aussi, nous nous sommes jetés à l’eau en 2014… et depuis, on n’arrête plus. Le souhait d’avoir de l’impact sur d’autres territoires ne nous quitte plus, le défi nous plait toujours autant : on continue !

Préparez-vous, sachez vous entourer, vous faire accueillir et accompagner. En région Auvergne Rhône-Alpes, nous vous accueillerons de notre mieux : écrivez-nous par ici, on en parle. Ailleurs, d’autres acteurs locaux sauront vous accueillir, vous aiguiller, vous accompagner : contactez-les (ATIS et Première Brique en Nouvelle Aquitaine, Antropia en région parisienne, Start Up de Territoire dans plusieurs régions, et tant d’autres) !

Enfin et surtout, ne perdez pas le Nord et efforcez-vous de vous rappeler régulièrement votre moteur numéro un : vous essaimez… pour faire grandir votre impact social ! La route est belle !

Merci à nos partenaires, locaux, régionaux et nationaux, qui permettent à Ronalpia de déployer ce type d’accompagnement, d’apprendre en marchant et de l’améliorer, chaque année. Continuons à financer et accompagner ces essaimages ensemble, de façon concertée, cohérente et locale, pour servir tous nos territoires avec de belles solutions, adaptées et pérennes.