Entreprendre à la campagne, pourquoi c’est différent ?

Dispositifs d’appui moins présents, marchés plus restreints, réseaux de proximité parfois complexes… Pour réussir, l’entrepreneur rural doit bien connaître son territoire.

Qu’ils soient néo-ruraux, natifs ancrés depuis longtemps, ou bien de retour après quelques années passées en ville, les entrepreneurs sociaux ruraux de notre communauté font face à des difficultés qu’ils n’auraient pas forcément dans les centres urbains.

La population étant plus dispersée, les marchés sont logiquement moins concentrés. Une bonne compréhension des besoins spécifiques à un territoire est nécessaire. « Selon les territoires, il faut analyser la sociologie, la géographie… explique Sylvain Dumas, co-directeur de la foncière solidaire Villages Vivants. Peut-être qu’il n’y a pas besoin de boulangerie dans une commune s’il y en a une qui marche bien plus loin, où tout le monde a l’habitude de passer. »  

Sylvain Dumas, co-fondateur de la foncière rurale solidaire Villages Vivants,
connaît bien les problématiques des entrepreneurs ruraux.

Plus de dispersion, c’est bien sûr moins de volumes à écouler. « Quand les marchés sont plus restreints et qu’il faut gérer une logistique importante, comme c’est le cas pour un commerce, il est difficile de réaliser des économies d’échelle », constate Josépha Poret, directrice de Ronalpia.

Bien sûr, la sociologie de la population présente diffère. Les prix des produits ou des services peuvent être un frein. « Le pouvoir d’achat est différent, pas toujours inférieur, mais le panier moyen est différent de celui des villes », estime Sylvain Dumas.

La société Atypic bois a ses ateliers à l'Usine Vivante à Crest, un tiers-lieu que nous accompagnons en 2023.

Les sources de financement sont aussi moindres. Les collectivités ont des budgets limités, et le secteur privé, généralement constitué de PME, peut moins prendre le relais. Les modèles économiques ont plus de mal à s’appuyer sur des services de soutien : peu de dispositifs d’amorçage, possibilités d’expérimentation plus faibles. C’est pourquoi les abandons de projets sont plus fréquents.

Décentralisation limitée

Mairie ou communauté de communes, voire département, les collectivités sont des interlocuteurs très accessibles et souvent incontournables. Pourtant, toutes les ressources ne peuvent pas être décentralisées. « Par exemple Villages Vivants a beau être basés à dans une centre bourg (Crest), nous sommes toujours loin des campagnes de Lozère », note Sylvain Dumas.  

Clémence Richeux
Clémence Richeux est la confondatrice de Ma Bouteille s'appelle reviens, qui développe les emballages consignés en Drôme.

Interpersonnel

Quoiqu’il en soit, la manière dont se créent les réseaux, dont l’information circule, est très différente, peut-être plus complexe qu’en ville. Quand tout le monde se connaît, il importe de bien maîtriser les ingrédients de la viralité : clubs de sport, rotary, presse régionale, réseaux sociaux, bistrots, commerces… « Il y a quelque chose qui relève de l’interpersonnel et nécessite un travail sur mesure, reconnaît Sylvain Dumas. C’est moins évident qu’une stratégie de communication digitale pour lancer une activité dans un pôle urbain »

En ruralité, il est donc difficile de faire seul de son côté. Plus encore que dans les grandes villes, il est nécessaire d’impliquer les parties prenantes, les futurs bénéficiaires et consommateurs… « L’ancrage des projets est tellement fort qu’ils ont peu de droit à l’erreur : si tu es grillé tu es grillé ! », note Josépha Poret. De quoi rendre plus complexes encore l’expérimentation et la prise de risque.

Josepha Poret 4
Aujourd'hui directrice de Ronalpia, Josépha Poret a œuvré pendant plusieurs années au développement
de notre action dans les territoires ruraux : Drôme, ouest lyonnais, Ardèche...

Et pourtant, dans les campagnes, quand les personnes, le projet et la réponse aux besoins identifiés sont bien alignés, tout peut s’enchaîner très facilement. « Voisins artisans, paysans producteurs de bons produits, élus engagés, commerçants militants, bénévoles des associations locales… la rencontre semble plus facile que dans les grandes villes et quand la dynamique prend, elle devient un véritable levier pour l’entrepreneur, et plus encore pour la dynamique territoriale, la qualité de vie, et la cohésion sociale », conclut Sylvain Dumas.